« Comme l’eau, apprenons à épouser les formes du monde plutôt qu’à les combattre. » (inspiré de Lao Tseu )
Avez-vous parfois l’impression que vous êtes toujours en décalage ? Avec votre entourage ? Vos employeurs ? La société en général ? Si c’est le cas, peut-être avez éprouvé sans même le savoir un des principes fondateurs de la philosophie taoïste : le principe du changement permanent.
Il y a quelques années, en lisant « Le maître du Haut Château » de Philip K. Dick, j’ai découvert ce principe et je m’y suis intéressée. Le concept de changement permanent est associé à la notion de « Yi », que l’on retrouve dans le Yi Jing ou Livre des mutations. Ce texte ancien repose sur l’idée que tout dans l’univers est en perpétuel mouvement et transformation, que rien n’est figé. C’est le fondement même du Tao, la voie naturelle du changement. Ce principe se résume parfois ainsi : "rien n’est immuable, tout se transforme".
C’est aussi ce qui explique que les équilibres (personnels, sociaux, économiques…) soient dynamiques : ils évoluent constamment, et donc chacun peut être « en décalage» à un moment donné avec son environnement.
Si cela peut vous aider, voici comment j’ai visualisé ce principe : imaginez que vous êtes debout en permanence sur un tapis roulant. A coté de vous, votre famille, vos parents, votre conjoint, vos enfants…sont aussi sur leur propre tapis roulant. Mais évidemment, chacun va à son rythme. Et ce n’est pas le même que le vôtre. Parfois, vous êtes plus avancé, parfois ce sont eux qui le sont.
Sur d’autres tapis roulants, autour de vous, il y a votre entreprise. Vos dirigeants. Vos collègues. Mais aussi la société. Et votre gouvernement…et un grand etc.
En gros, chacun a sa propre vitesse et se situe quelque part en amont, en aval ou pile près de vous. Cela explique que parfois, vous ne comprenez pas les décisions de vos employeurs. Ou que vous les trouvez trop en retard, pas au goût du jour. Que vous ne vous reconnaissez pas dans les stratégies de votre boîte. Que vous trouvez que les décisions du gouvernement sont en total décalage avec l’évolution de la société.
Selon la vision taoïste, chaque phénomène naît, se développe, décline et se transforme en autre chose. Le déséquilibre est normal, car il fait partie du mouvement de la vie. C’est en lien avec le Yin et le Yang, qui représentent deux forces opposées et complémentaires. Elles s’alternent et se transforment sans cesse : quand le Yin atteint son maximum, il se transforme en Yang, et inversement. Par exemple, le jour devient nuit, puis jour à nouveau. L’hiver prépare le printemps. Une crise peut conduire à un renouveau.
Ce va-et-vient illustre parfaitement le mouvement permanent du monde. Ainsi, vouloir que « tout reste stable » est contraire à la nature même du monde. L’harmonie ne vient pas de la rigidité, mais de la souplesse et de l’adaptation.
Ce principe est assez positif puisqu’il explique que c’est le mouvement permanent qui peut entrainer un décalage et que toute transformation implique parfois un manque de synchronicité. Mais qu’on arrive toujours à s’adapter. A un moment donné, nos tapis roulants se rejoignent, d’une certaine manière.
Personnellement, ce concept m’a aidée, à un moment donné, à comprendre pourquoi, à certains moments de ma vie, je ne me sentais plus en phase avec des personnes, des structures, des groupes. Alors même que pendant longtemps, nous avions tendance à voir les choses de la même manière. Et il est vrai que toujours, le fait de bouger (d'avancer, de partir, d'évoluer...) m'a aidée à retrouver un "alignement" ou un équilibre.
Dans le monde professionnel, tout comme dans la nature, rien n’est figé. Les organisations, les métiers et les relations de travail évoluent en permanence. S’inspirer du principe chinois du changement permanent, c’est comprendre que la véritable stabilité ne vient pas de la résistance, mais de la souplesse.
Apprendre à accompagner le mouvement, à s’ajuster plutôt qu’à s’opposer, devient alors une compétence essentielle : c’est ainsi que l’on reste aligné, pertinent et serein au cœur des transformations.